Dès 1547, le premier cadastre dont Valence a conservé la trace, fait mention de la Maison de la Pra et de son propriétaire, l’avocat grenoblois, Me Laurens de la Pra. Ce dernier avait acquis, ce qui était alors un îlot de petites bâtisses, à la famille de la Baulne, dont certains membres s’illustrèrent dans les croisades du Moyen âge. C’est Me Laurens de la Pra qui fit raser les maisons à l’intérieur de la cour, les remplaça par un hôtel particulier et fit bâtir la tour, obtenant ainsi une architecture d’ensemble plus harmonieuse. On lui doit le blason, encore visible, sur la porte d’entrée.
En 1560, la propriété est vendue à un riche marchand valentinois, M. Giraud Frère qui la lègue à son fils, Claude Frère. Un intellectuel ambitieux et rusé. Fort d’un diplôme acquis à l’université de Bologne, Claude Frère vise une chaire à l’université de Valence, l’obtient, ce qui lui permet d’échapper à l’impôt, comme c’est le cas alors pour les professeurs.Sourd aux protestations émises par le Conseil Municipal, Claude Frère préfère réserver son énergie au bon choix de ses relations et devient ainsi l’ami du très influent Connétable de Lesdiguières, ce qui lui vaut d’être nommé président du Parlement de Grenoble.
A cette époque, la rue de l’Equerre s’appelait rue du Grand Palais , peut-être en souvenir du Palais Impérial Romain dont la présence, dans ce quartier, adossé à l’ancien théâtre, est attestée par plusieurs historiens et par l’ancien architecte de la ville, Marius Villar.
Au début du XVIIe siècle, la rue du Grand Palais n’est pas percée en direction de l’Eglise Saint Jean et Claude Frère, qui mène une vie très mondaine, y trouve là, la raison d’une véritable humiliation : l’étroitesse de la ruelle oblige ses invités et lui-même à accéder à la maison … en chaise à porteurs, là où les besoins de son rang exigeraient l’utilisation d’un carrosse ! Contre la somme de 400 florins, il demande au Conseil Municipal de percer la rue qui prendra le nom de rue Neuve, puis de rue de l’Equerre.
Le Temps des femmes
La Maison de la Pra est ensuite cédée à la Présidente de Faure, sœur de Claude Frère, puis aux Ursulines, probablement ensuite à la famille de Laurencin et, à la fin du XIXème siècle, à Mme Serre. En 1900, elle est louée à la ville qui y installe une école primaire de jeunes filles. De ces empreintes féminines sur la propriété, nous retiendrons celle d’Amélie de Laurencin qui, selon Valence Tourisme, serait la belle jeune fille blonde à laquelle Bonaparte, dans ses Mémoires, réserve un souvenir ému.